Galoa Minata, 3 ans, est fatiguée. Il attend dans le froid depuis plus d’une heure et demie, en position statique, alors qu’il fait 10 degrés dehors à Paris, et il n’en peut plus. Elle pleure et sa mère Maïmouna passe doucement sa main sur son visage pour essayer de la rassurer. A ses côtés, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la mairie, pour tenter de se loger grâce à l’association Utopia 56, qui appelle à la solidarité des hébergeurs*.
La plupart de ces personnes dorment dans le métro ou dans des tentes sous les ponts. Maimouna et Galoa Minata ont élu domicile sous terre, dans les tanières du réseau de transports parisien, le 8 décembre. Ils dorment sans matelas, « on met les enfants debout », explique Maimouna, qui arrive à rire malgré la situation, le froid et les gens qui les poursuivent la nuit.
Avec lui, Aicha, enceinte de sept mois, et tant de temps dans la rue. Son pied qu’elle nous montre est enflé, elle a du mal à marcher et se rend régulièrement à l’hôpital Lariboisière pour se faire soigner. Elle appelle le 115 tous les jours depuis des mois sans obtenir de réponse positive, ce qu’elle prouve en nous montrant son journal d’appels. « Parfois, je passe une soirée avec Utopia », a-t-elle déclaré.
Binate, Yaya et Ferima, Amair et Mastoura, Jonas…
Christophe, responsable du pôle famille d’Utopia 56, connaît bien toutes ces situations. Femmes enceintes, familles avec enfants en bas âge à la rue, personnes malades, il en a rencontré des centaines. A voir aussi : Conseils pour faire face à un conducteur somnolent. Il est là avec ses collègues et les bénévoles de l’association tous les soirs, pour enregistrer les familles et prévenir les hôtes solidaires, en espérant que ces personnes seront prises en charge.
Ce soir-là, nous avons également parlé avec Binate, 25 ans, qui est présente avec son fils d’un an et son mari et est sans abri depuis près de 3 mois ; Yaya et Ferima qui sont là avec leur bébé d’un an ; Amair, 9 ans, et sa maman Mastoura ; Jonas avec sa fille Abigail, âgée de dix ans; Macoura, avec son fils asthmatique de 4 ans ; Mabrouk, avec deux enfants de 5 et 7 ans et une petite-fille d’un an qui n’arrête pas de pleurer pendant l’entretien et qui n’a pas pu se changer de la journée… Toutes ces personnes nous ont expliqué qu’elles dormaient dans le métro ou dans tentes « sous le pont ».
Le 115 saturé
En octobre, les associations de défense des sans-abri estimaient à environ 2 000 enfants sans-abri en France. Depuis septembre, 115 services sont saturés. Voir l’article : Nos solutions d’insomnie. Le 5 décembre, par exemple, 5 014 personnes ont appelé cette permanence téléphonique pour les sans-abri qui ne trouvaient pas de logement, selon les données fournies par le Collectif des Associations Unies, qui regroupe 39 organisations dont la Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs, la Croix-Rouge et ATD Quart-Monde .
« Malgré le maintien en fonctionnement de 197 000 places d’hébergement et la promesse du ministère du Logement qu’il n’y aura plus d’enfants des rues cet hiver, la situation reste dramatique », indique le communiqué du 14 décembre de l’association Collective United.
200 places supplémentaires
Ce soir, pour les personnes qui attendent devant la Mairie, c’est exceptionnel, tout le monde sera logé, au total 76 personnes et 26 familles. Plusieurs femmes enceintes, plusieurs bébés dont un de 7 mois. Christophe a déjà vu un bébé de 3 semaines. A voir aussi : VIDÉO. « J’ai une couche en ce moment » : sans tabous Camille Lellouche lui raconte après l’accouchement. «Habituellement, nous avons la moitié des gens qui restent dehors. Les droits des enfants doivent être respectés, notamment le droit au logement, et il doit y avoir une politique d’accueil digne », déplore le chef de projet.
Pour tenter d’en finir, Utopia 56 lance des actions en justice individuelles et collectives. Avec Médecins du Monde, l’association s’en est prise à l’Etat pour l’obliger à ouvrir un centre d’accueil pour Ukrainiens porte de la Villette à Paris (Paris Event Center) pour héberger des personnes d’autres nationalités qui ont survécu dans la rue. Là-bas, près de la moitié des 250 places disponibles sont vides chaque soir, tandis qu’à des centaines de mètres ou de kilomètres, des centaines de personnes dorment dans le métro, les squats, et parfois même dans la rue. Le Conseil d’Etat a rejeté la demande de l’association, mais l’Etat, coïncidence calendaire ou non, a décidé au lendemain de l’audience d’ouvrir 200 places supplémentaires dans le même centre, mais bien séparé du système ukrainien.
« Le point positif de la situation ukrainienne, c’est qu’on a vu qu’on pouvait débloquer rapidement la situation et on ne peut que s’en réjouir », commente Samy Djemaoun, avocat de Médecins du Monde et d’Utopia 56 et spécialiste des libertés et droits fondamentaux. . Ce n’est donc pas un problème de moyens, mais un problème de volonté. Ils ont ouvert Paris Event Center et le Domaine de Grignon, ils peuvent aussi ouvrir d’autres lieux. »
L’Etat s’oppose à l’hébergement d’un bébé de 4 mois
Afin d’essayer d’aider le plus de monde possible, l’avocat conspire avec un de ses confrères pour priver le juge de sa liberté par voie de référé au cas par cas. Pour « montrer que derrière la saturation du 115 il y a de vraies situations humaines dramatiques ». Quatorze renvois en deux semaines qu’il a effectués tous les soirs jusque tard dans la nuit, et pour lesquels il a remporté 10 victoires, permettant à ces familles de se loger pendant une semaine ou tout au plus un mois. Une famille avec un enfant de trois semaines vit sur la parcelle.
Dans de nombreux cas, l’État a fait appel, notamment une famille avec un enfant de 4 mois et une femme enceinte seule avec sa fille de 5 ans, pour remettre ces personnes à la rue, comme il l’a vu en 20 minutes. selon des documents fournis par Samy Djemaoun.
Pas d’augmentation des places prévues
Si Elisabeth Borne a voulu améliorer le 115, la permanence téléphonique des sans-abri, en termes de réponses et d’écoutes, mercredi, lors d’une visite au centre d’hébergement d’urgence pour jeunes femmes, la tendance n’est en réalité pas à la hausse des places. Le gouvernement avait même prévu lors des délibérations budgétaires 2023 de le supprimer, avant de changer d’avis en raison des protestations de dix maires socialistes et écologistes de grandes villes et d’associations d’aide aux plus démunis.
Selon l’association, le plan grand froid lancé le 12 décembre à Paris et dans d’autres départements de France n’a rien changé à la situation, dans laquelle tant de personnes viennent encore le soir pour avoir un endroit où dormir. Contacté par 20 Minutes, l’adjoint au logement de la Mairie de Paris Ian Brossat explique que l’ancien Go Sport, dont les locaux sont la propriété de la Mairie de Paris, est ouvert porte de Saint-Cloud depuis le début du Grand Plan Froid et que quatre salles de sport ont été ouvertes. mobilisé depuis octobre .
Mais Ian Brossat admet que cela ne suffit pas, car les gymnases en question sont « pleins à craquer ». Il note également que de plus en plus d’enfants et parfois de femmes enceintes sont dans cette situation. « La ville a fait des propositions à l’Etat pour créer plusieurs centaines de places, notamment d’anciennes écoles qui n’ont pas été utilisées. Les services de l’Etat leur ont rendu visite et nous attendons leur réponse », précise l’élu. Pourtant, fin 2017, le président de la République a promis que d’ici la fin de l’année « plus personne ne sera laissé à la rue ».
* Pour devenir hôte solidaire, vous pouvez vous rendre sur la page dédiée du site Utopia 56. L’association recherche également des bénévoles.