Des automobilistes font la sieste sur une aire d’autoroute près de Montélimar le 18 juillet 2014
Il peut s’agir d’une omission temporaire, d’une attelle rembourrée ou d’une sieste discrète en milieu de journée. Qu’elle soit souhaitable ou nécessaire, la sieste est de plus en plus perçue comme une solution au manque de sommeil des Français. « Un tiers des personnes actives dorment moins de six heures toutes les vingt-quatre heures, ce qui les expose davantage à de nombreuses pathologies », prévient Brice Faraut, chercheur en neurosciences au Centre du sommeil et de l’éveil de l’Hôtel. -Dieu (Université Paris Descartes-APHP). Par conséquent, un bon nombre de ces travailleurs essaient de combler leur dette de sommeil en dormant davantage la fin de semaine. « Mais cela peut provoquer un décalage horaire social », un décalage entre le rythme de vie et l’horloge biologique, assure le neuroscientifique, auteur du livre Résolu avec une sieste (Actes Sud) et ardent défenseur de cette façon de dormir.
Lorsqu’elle est bien faite, une sieste peut être comparée à une forme de sommeil nocturne miniature. Le sommeil est divisé en phases, chacune ayant des effets différents sur le corps. L’un en particulier est la réduction du stress et de ses effets néfastes sur l’organisme. Dès que l’on s’endort, tous les médiateurs hormonaux des systèmes de stress chutent, cette pause est très bénéfique d’un point de vue cardiovasculaire, explique Brice Faraut.
Un autre avantage du sommeil est de participer à la libération d’hormones essentielles. Ainsi, lorsque nous dormons, pendant la phase de sommeil profond à ondes lentes, notre corps produit la plupart des hormones de croissance qui sont indispensables à la croissance des enfants, mais qui sont également indispensables aux adultes pour favoriser la régénération cellulaire et l’entretien de nos articulations. Et la nuit ne doit pas nécessairement être longue. « Pendant une sieste d’une heure, il est possible d’avoir 30 minutes de sommeil lent profond, une phase de sommeil très régénératrice à ce niveau », assure Brice Faraut.
Des siestes au cas par cas
Quelques minutes peuvent suffire pour retrouver un peu d’attention et activer certaines fonctions. Plusieurs études ont montré que des siestes courtes (5 à 20 minutes) peuvent améliorer significativement la vigilance, immédiatement pour les plus courtes et quelques minutes après un sommeil de plusieurs minutes. A voir aussi : Notre conseil est de dormir quand il fait chaud. En 1995, la NASA a même révélé dans une étude que la durée « idéale » d’une sieste est de 26 minutes. L’agence spatiale américaine a ainsi constaté que les « performances » des sujets testés (c’est-à-dire le temps de réaction et la mémoire) s’amélioraient de 34 %, et la « vigilance » de 54 %.
Alors une sieste pourrait-elle remplacer une nuit de sommeil ? Malheureusement pour les oiseaux de nuit, la réponse n’est pas si simple. « L’idéal est toujours de dormir la nuit autant d’heures que l’on en a besoin, et la sieste peut corriger cette carence, mais elle ne doit pas être la solution pour prévenir la privation chronique de sommeil », nuance Brice Faraut. Cependant, tout le monde ne devrait pas s’adonner au sommeil diurne. Dans le cas du traitement de l’insomnie par des thérapies cognitives et comportementales, l’utilisation de la sieste n’est même pas recommandée, car elle peut réduire la pression du sommeil et ainsi accentuer la difficulté à s’endormir avant le coucher. « Cela peut être une très mauvaise idée en cas d’insomnie », confirme Renaud Tamisier, président du conseil scientifique de la Société française de recherche et de médecine du sommeil. « La sieste peut être à la fois nocive et bénéfique, et cette complexité doit être apprise », insiste-t-elle.
Brice Faraut garantit même que l’on peut devenir un professionnel de la sieste. Ce n’est pas Gaston Lagaffe, dont le métier est avant tout de se détendre au travail, mais d’entraîner le corps et l’esprit à s’assoupir. Le rythme de l’horloge biologique, qui s’acquiert progressivement, grâce à une bonne préparation psychologique. « Plus vous pratiquez, plus il est facile de s’endormir, et les personnes qui le font régulièrement se réveillent toutes seules. » Ainsi, une étude de 1977 de l’Université de Pennsylvanie a montré que ceux qui faisaient la sieste « au goût » (et donc régulièrement) s’endormaient en 14 minutes, alors qu’il fallait presque deux fois (26 minutes) ne pas faire de sieste.
« Promouvoir une attention à son plaisir d’être endormi »
La sensation au réveil décourage souvent les siestes potentielles. Les experts appellent la perception selon laquelle nous nous réveillons plus fatigués que nous ne nous endormons « l’inertie du sommeil ». Cela inclut la somnolence et la diminution des performances immédiatement après une sieste. Sur le même sujet : Voici 6 astuces pour bien dormir et enfin passer une vraie bonne nuit. Un effet à prendre en compte si ce dernier survient juste avant de reprendre le travail et peut être remplacé par la consommation de café juste avant de se coucher, la caféine commence à faire effet au bout d’une vingtaine de minutes.
La sieste, encore relativement marginale, pourrait dominer en France ? Selon une enquête de 2019 de Santé publique France, plus d’un quart des adultes font au moins une sieste dans la semaine, et un peu plus de 30 % des Français font une sieste d’environ une heure le week-end. Dans les entreprises, cependant, la pratique reste associée à une certaine forme de paresse, d’oisiveté. Sous l’influence des start-up, certaines entreprises prévoient des haltes. Parfois avec l’idée qu’une « sieste éclair » peut améliorer la productivité des employés. « L’idée de zones de sommeil dans les entreprises est bonne, non pas pour la récupération, mais pour que les travailleurs soient attentifs à leur temps de sommeil », insiste Jean-Arthur Micoulaud-Franchi, maître de conférence et praticien hospitalier de neurophysiologie à l’université de Bordeaux. Pour ce médecin, « encourager la sieste, c’est encourager l’attention au plaisir du sommeil et donc l’attention à nos besoins physiologiques ».